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Les exilées de Moravie – Katerina Tuckova

Les exilées de Moravie – Katerina Tuckova

Coucou tout le monde. Je vous retrouve pour vous parler de ce roman, paru dans la collection Les ailleurs aux @editionscharleston, que j’ai eu la chance de découvrir dans le cadre de la #massecritiquebabelio
Je tiens à remercier la Maison d’éditions pour l’envoi 🙏

1945, Tchécoslovaquie, région de Moravie.
Alors que les Alliés libèrent la ville de Brno des mains des nazis, un vent d’espoir se répand dans la ville. Sauf pour Gerta Schnirch, fille d’une mère tchèque et d’un père allemand proche du régime, cette nouvelle n’est pas une délivrance mais une sentence. Considérée comme une ennemie, comme tous les Allemands du pays, elle est chassée – tout comme les enfants et personnes âgées – de sa maison avec son bébé, et attend dans le froid de la nuit, parmi des milliers de personnes, d’être expulsée de Tchécoslovaquie. Sans eau ni nourriture, la jeune femme entame alors une longue marche forcée pour rejoindre la frontière autrichienne, accompagnée de gens armés. Une marche de la mort où de nombreuses personnes ont perdu la vie, épuisées, battues ou tuées par balles.

Une lecture émouvante, souvent éprouvante, qui m’a fait découvrir un pan d’histoire qui m’était totalement inconnue. De sa plume guide et empreinte d’un grand réalisme, l’auteure nous retrace ces nuits d’horreur et les abominations vécues. Imaginer ces femmes pousser leurs landaus, le regard hagard et terrorisé, m’a brisé le cœur. Des images inhumaines qui marquent les esprits de manière indélébile.

Comment ne pas être bouleversée par ces femmes qui ont tout perdu. Plus de tout leur appartenant, plus de famille, plus de souvenirs. On leur a ôté toute dignité. Il leur reste seulement leur corps pour travailler, leur esprit pour lutter et tenter de survivre dans un monde d’horreur. J’étais loin d’imaginer ce que ces Allemands innocents ont enduré, considérés comme des monstres, des assassins alors qu’ils n’ont rien commis. Juste subi ce qui leur a été imposé, nés avec une nationalité devenue une cible à humilier et à faire payer, à tout prix, le simple fait d’exister.

Gerta, privée de toute liberté, n’a d’autre choix que d’étouffer sa germanité, refermer la porte de son passé. Seule sa fille lui donnant la force de se battre, s’accrocher et survivre pour la sauver de cet enfer. On la sent malgré tout, parfois, céder au désespoir, s’éteindre à petit feu, isolée, abattue, aigrie, dévastée, détruite, sans espoir de connaître des jours meilleurs.

L’heure des excuses et du pardon sonnera-t-elle enfin un jour pour apaiser les cœurs meurtris ?

Une lecture intense émotionnellement mais qui se révèle plus que nécessaire pour entretenir la mémoire collective et un devoir de conscience pour que plus jamais rien de semblable ne puisse se reproduire. Un roman qui doit être lu et que je vous recommande vivement.

Mes extraits :

• « Ces femmes sont aussi malheureuses que n’importe qui. C’est même pire pour elles.  La guerre est finie, elle leur a pris autant qu’à nous, mais elles n’ont toujours aucun espoir. Elles payent pour quelque chose dont elles ne sont pas responsables. Elles n’ont aucune perspective. Les chasser vers l’inconnu avec leurs enfants sur les bras, ça me paraît inhumain » 

• « Sur ces cartes, Brno était telle qu’elle n’était plus depuis longtemps. Telle qu’elle avait disparu sous les strates déposées par le temps et la détresse. Alors, elle s’efforça d’apercevoir un éclair pâlissant de sa jeunesse dans ces rues, à la beauté déflorée »

• « Pour les trois œufs que j’ai reçus, une fois, j’aurais fait bien plus que ce qu’il m’a demandé. J’étais indifférente à tout sauf au froid, qui était atroce, et à la faim, qui était insupportable. On devient juste un corps qui ne ronde plus, un estomac tellement serré que la douleur nous empêche de dormir »

• « Elle ne vivait pas, elle ne faisait que survivre. Mise à l’écart, isolée avec une poignée de gens frappés du même sceau, elle subissait un sort injuste du seul fait d’être née avec la mauvaise case à cocher : nationalité allemande. Le passé les poursuivait et, vingt-cinq ans après la fin de la guerre, les privait toujours de leur liberté »

Ma note : 8,5/10

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