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Alabama 1963 – Ludovic Manchette et Christian Niemiec

Alabama 1963 – Ludovic Manchette et Christian Niemiec

Quatrième de couverture :

Birmingham, Alabama, 1963. Le corps sans vie d’une fillette noire est retrouvé. La police s’en préoccupe de loin. Mais voilà que d’autres petites filles noires disparaissent…

Bud Larkin, détective privé bougon, alcoolique et raciste, accepte d’enquêter pour le père de la première victime. Adela Cobb, femme de ménage noire, jeune veuve et mère de famille, s’interroge : « Les petites filles, ça disparaît pas comme ça… » Deux êtres que tout oppose. A priori.

Sous des airs de polar américain, Alabama 1963 est avant tout une plongée captivante dans les Etats-Unis des années 1960, sur fond de ségrégation, de Ku Klux Klan et d’assassinat de Kennedy.

Mon avis :

Aujourd’hui, je viens vous parler de ce livre puissant qui se révèle être un véritable coup de cœur. Cela faisait longtemps que je n’en avais pas lu d’aussi marquant. Un roman qui vient traiter d’un pan de l’Histoire des Etats-Unis. Douloureuse, qui a marqué des générations. Un retour dans le passé, qui semble loin mais qui ne l’est pas tant que ça. Une fois commencé, je dois bien avouer que j’ai eu beaucoup de mal à refermer ce livre.

Comme vous aurez pu le comprendre en découvrant la quatrième de couverture, le racisme est au cœur de ce magnifique et poignant ouvrage. J’ai été choquée qu’à cette époque, des affiches puissent annoncer des quartiers ou boutiques « ONLY WHITE » ou bien encore « RESERVED PEOPLE COLORED ». Et la violence, la haine que cela a pu engendrer.

Je me suis prise d’affection pour Adela, cette jeune femme d’une trentaine d’années qui a vécu déjà bien trop de drames pour son âge. Une sagesse digne des plus grands, une volonté énorme, un caractère affirmé et d’une profonde humanité. Malgré les épreuves, elle continue de croire qu’un meilleur avenir tend les bras à toute la population noire.

La rencontre improbable entre Adela et Bud, cet ancien policier reconverti en détective privé, nous réserve bien des surprises. Va-t-elle réussir à attendrir cet homme acariâtre, Stetson toujours vissé sur la tête, a l’allure rebelle et plus que désinvolte, le pousser dans ses ultimes retranchements ? Je vous laisse le découvrir au fil des pages.

On naît seul, on meurt seul

Bien évidemment, la disparition de ces petites filles noires, ne cesse de nous tourmenter l’esprit, malmenant nos cœurs de parents. Que fait la police pour tenter de retrouver le coupable, celui capable de s’en prendre à de jeunes enfants ? La terreur enfle dans cet État, où chaque famille suspecte son voisin. Après Chicago, Birmingham va-t-elle devenir la nouvelle capitale des crimes ?

Ce roman nous entraînera-t-il sur le chemin de l’égalité entre Blancs et Noirs ? La paix finira-t-elle par trouver ses quartiers entre ces peuples qui ont connu tant de haine ? Cela fait un an que ce livre était posé sur mes étagères en attente du bon moment pour l’entamer. Besoin de temps pour apprécier cette histoire à sa juste valeur. Je me suis posée et ai apprécié chaque page bouleversante. Je savais que l’émotion serait vive et cela a bien été le cas. J’ai été particulièrement admirative du courage de ces personnes d’oser aller à l’encontre des règles établies, bousculer une hiérarchie sans queue ni tête.

Une lecture que je vous conseille car merveilleusement bien écrite par les deux auteurs. D’une justesse et vérité implacable qui concerne un pan historique inoubliable. Un livre à mettre entre toutes les mains pour faire prendre conscience de toutes ces atrocités commises au seul motif de la différence de couleur de peau. Adela et Bud, un duo dont je vous promets que vous n’êtes pas prêt d’oublier.

Nous osons défendre nos droits : devise de l’Alabama

Et cette magnifique photo de couverture, qui résume à elle seule l’histoire de ce livre. Il y a des personnages faits pour marquer l’esprit et je pense pouvoir affirmer que ces deux là en font assurément partis. Une lecture forte, bouleversante, poignante qui nous rappelle de quoi l’homme est capable, aussi bien en mal qu’en bien fort heureusement. S’accrocher à l’idée que le monde peut toujours être meilleur et devenir acteur de ce changement. Un livre dur a bien des égards mais rempli d’espoir.

Mes extraits :

• « Ris, et on rira avec toi. Pleure, et tu pleureras toute seule »

• « Vous préférez qu’on dise de vous que vous êtes une femme noire ou que vous êtes une femme de couleur ? Je préfère qu’on dise que je suis une femme bien »

• « Je rêve qu’un jour, même en Alabama, avec ses abominables racistes, avec son gouverneur qui n’a que les mots opposition et invalidation des lois fédérales à la bouche, qu’un jour les petits garçons noirs et les petites filles blanches pourront se donner la main, comme frères et sœurs. C’est le rêve que je fais aujourd’hui »

• « Et pour ce qui est de l’enquête… vous découragez pas. Continuez à planter des petites graines. Elles donneront des arbres, qui donneront des fruits, et bientôt vous aurez plus qu’à récolter. Alors ça peut être long, mais il faut attendre que l’arbre pousse. Vous avez pas le choix. On a jamais vu de fruit sans arbre et d’arbre sans graine »

• « Si c’est pas malheureux de voir ça. Des blancs qui traînent avec des négresses ! – Mans je vous emmerde, Monsieur. » Le vieil homme en reste pantois. De même qu’Adela. Bud et elles poursuivirent leur chemin. Plus loin, Adela se mit à rire. – « Quoi ? » fit Bud. Elle le regarda et se remit à rire. – « Quoi ? J’ai été poli, j’ai dit monsieur »

• « Si les gens savaient ce qu’on vit… Ils croient qu’ils savent. Ils croient qu’ils imaginent. Mais c’est pas quelque chose qui s’imagine »

• « Le souvenir du juste est une bénédiction, tandis que le nom des méchants tombe en pourriture »

Ma note : 10/10

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