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Par amour – Valerie Tong Cuong

Par amour – Valerie Tong Cuong

Quatrième de couverture :

Deux familles emportées dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale : d’un côté, Joffre et Émélie, concierges d’école durs au mal, patriotes, et leurs enfants ; de l’autre, le clan de Muguette, dont l’insouciance sera ternie par la misère et la maladie. Du Havre à l’Algérie où certains enfants seront évacués, cette fresque puissante met en scène des personnages dont les vies s’entremêlent à la grande Histoire, et nous rappelle qu’on ne sait jamais quelles forces guident les hommes dans l’adversité »

Par amour, n’importe quel être humain peut se surpasser. On tient debout, pour l’autre plus encore que pour soi-même.

Mon avis :

J’ai été énormément touchée par ce livre, rempli d’humanité, d’émotion et d’amour malgré cette période si douloureuse. En effet, le thème des Guerres Mondiales m’a toujours intéressée, parce que cette période n’est pas si éloignée que cela de la nôtre et parce que nos grands-parents l’ont vécu et que leur dureté peut, en partie évidemment, s’expliquer par la vie si difficile qu’elle a engendré.

L’auteure aborde sous différents angles la Seconde Guerre Mondiale. D’abord du point de vue des adultes qui ont dû prendre des décisions, parfois hâtives, mais toujours avec l’unique volonté de protéger et épargner tous ceux qui leur sont chers. Ensuite, du point de vue des enfants qui, malgré leur jeune âge, ont compris beaucoup plus de choses que ce que leurs parents ont toujours pensé.

Les ravages de la guerre, tant humainement que physiquement, sont envisagés à travers le regard et le cœur d’une famille unie. Nous découvrons le conflit de l’intérieur. Les mots de l’écrivaine nous propulsent dans le camp des victimes, des civils qui ont subi la loi des Boches et les promesses, souvent nous tenues, et la lâcheté de ceux qui étaient au pouvoir.

Les adultes qui, par fierté et par devoir, souhaitaient avant tout protéger leur proches, quittent à leur mentir. Sur la vérité et la dureté du conflit, sur l’état de santé, sur leur engagement et leur croyance qui auraient pu mettre en péril leurs famille en cas de découverte. Afin de mettre en sécurité leurs enfants, ils ont accepté de se séparer d’eux, en les envoyant loin de chez eux, sans aucune garantie de les retrouver un jour.

On y découvre la faculté des plus jeunes à occulter la vérité, oublier la souffrance de la guerre, l’inquiétude du quotidien grâce à l’amour et la tendresse que certains foyers ont accepté de leur offrir, comme une parenthèse enchantée. Dans la douceur et les odeurs de l’Algérie, nombre d’enfants ont pu continuer à jouer, grandir, apprendre, rire, conserver un semblant d’innocence, loin des bombardements et des restrictions. Mais l’âge des enfants, au moment du départ, a pu également leur faire vivre cette séparation comme un déchirement, un déracinement ou une trahison envers leurs parents.

Malgré cette douleur, cette inquiétude, cette peur inavouable du lendemain et de la mort, un seul lien conducteur au fil des pages, l’amour des uns et des autres. Le seul sentiment qui donne le courage de s’accrocher, se battre, garder l’espoir et lutter contre la maladie. L’envie plus forte que tout de se retrouver pour partager à nouveau des jours meilleurs. L’attente d’un courrier pour avoir des nouvelles des êtres aimés, le soutien d’une sœur quand la maladie se révèle déjà très avancée, l’espoir de retrouver ses enfants et cette impossibilité de se résigner à vivre sans cet amour fraternel, maternel…

Ce livre m’a profondément touchée, émue par la douceur et la puissance des mots de l’auteure, où l’amour donne une force surhumaine à ses personnages. J’ai aimé vivre de l’intérieur ce conflit, à travers le regard d’adultes et d’enfants si réalistes. L’émotion est forte et d’une justesse implacable. Je ne peux que vous conseiller de découvrir ce livre, pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu. J’y ai appris beaucoup de choses, sous un angle différent.

Mes extraits :

• « Maman reprochait principalement à Muguette d’être faible : elle disait que l’amour ne se mesure pas en chansons, en bonbons, en caresses ou en belles déclarations, qu’un oui c’est plus facile qu’un non, mais qu’à la fin on fait des enfants en caoutchouc qui tombent au premier coup du sort »

• « Combien de temps faudra-t-il pour reconstruire ? Même ceux qui ne sont pas forts en sciences savent que l’on tombe toujours plus vite que l’on ne se relève »

• « Ils m’ont écoutée avec sérieux. Joseph se mordait les lèvres jusqu’au sang, Marline regardait fixement la pointe de ses pieds, sans ciller, je pouvais bien énumérer les avantages, la lumière et le ciel toujours bleu, les fruits sucrés, l’aventure exotique, la légèreté d’une vie sans combats, ils n’entendaient qu’une chose : nous serions bientôt séparés et pour longtemps »

• « Je me taisais parce que ça pouvait être un piège pour me tester, mais je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il y avait forcément des braves gars chez les Boches, des gens qui ne comprenaient pas plus que moi pourquoi nous en étions arrivés là »

• « Je ne voulais plus mourir, pas avant de leur avoir dit combien je les aimais, voilà qu’ils me caressaient les cheveux, m’inondant de leur douceur tendre, et dans leur regard, je pouvais lire leur certitude que cet amour-là ne s’éteindrait jamais »

• « J’ignorais qu’il faut traverser ce genre d’événement tragique, la perte de ce que l’on a de plus précieux au monde, pour mesurer ce que le corps et l’âme ressentent, ce trou indescriptible au milieu de soi-même. J’ignorais que lorsque cela arrive, il ne reste plus qu’à constater combien les efforts pour s’y préparer ont été inutiles »

« C’était devenu plus qu’un objectif, mon seul espoir, avec ce certificat, je pourrais un jour devenir journaliste, écrire la déchirure, je raconterai au monde la vérité sur nous, les enfants, nous qui étions trop fiers, nous qui aimions trop nos mères pour pleurer, nous qui respections trop nos pères pour les affronter, nous avions eu si mal en les quittant, nous ne voulions pas être protégés, nous préférions mourir dans leurs bras plutôt que vivre sans eux »

« J’étais si soulagée de quitter Le Havre, de quitter les bombardements, la peur collante, les déchirements, les privations, le désarroi de tante Muguette, les regards de plomb entre papa et maman. Je ne rêvais que de m’enfuir. Je préférais être loin, ne plus voir et ne plus savoir : quand on ne voit pas les choses, on peut se persuader qu’elles n’existent pas »

« Elle n’était pas sûre de savoir quoi lui dire lorsqu’elle le retrouverait, ni même d’avoir l’envie de coller son corps contre le sien, ses lèvres contre les siennes, elle s’interrogeait : l’amour conjugal meurt-il lorsque le temps et l’absence s’en mêlent ? Plus de quatre ans, c’était si long ! Peut-être que seul l’amour maternel peut supporter une telle séparation ? »

« Le temps et l’absence n’ont rien à voir avec l’amour, ce qui compte, c’est ce qui le fonde. Parfois il se fonde sur une erreur d’appréciation, on croit aimer une personne, mais on aime un rêve, un désir, un idéal, quelque chose que l’on porte en soi depuis toujours et dont on affuble l’autre qui, souvent, s’y prête volontiers. Seulement à la première occasion, au premier effort, les masques tombent, l’autre apparaît tel qu’en lui-même, et rarement celui qu’on croyait »

• « Un amour comme le nôtre, il n’en existe pas deux, ce n’est pas celui des autres, c’est quelque chose de mieux »

Ma note : 8/10

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