Quatrième de couverture :
« Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois dans votre vie vous aviez réellement dit merci ? Un vrai merci. L’expression de votre gratitude, de votre reconnaissance, de votre dette. A qui ? On croit toujours qu’on a le temps de dire les choses, et puis soudain c’est trop tard. »
Après Les Loyautés, Delphine de Vigan poursuit dans Les Gratitudes son exploration des lois intimes qui nous gouvernent.
Mon avis :
Ce livre est magnifique. J’ai apprécié la plume de Delphine qui nous rappelle l’importance de savoir dire merci avant qu’il ne soit trop tard. Cette histoire est touchante, bouleversante car elle raconte la vieillesse avec des mots d’une tendresse infinie. Cette étape de la vie où l’âge nous fait perdre progressivement nos acquis.
Michka a conscience de ce changement. Qui arrive toujours trop brutalement. Elle se rend compte qu’elle est en train de perdre quelque chose d’essentiel : ses mots. Et cela lui fait peur. Elle ne peut plus rester seule chez elle, en raison de plusieurs chutes. Elle rentre donc dans un EHPAD.
Heureusement, autour d’elle, il y a Marie et Jérôme, deux personnes extrêmement bienveillantes. La première habitait au-dessus de chez Mischka et elle venait régulièrement la voir, manger ou dormir chez elle. Marie n’a jamais oublié le soutien et la présence de la vieille dame à ses côtés. Les échanges et l’écoute entre les deux femmes ont créé un lien très fort. Un respect profond les unit malgré la différence d’âge.
Quand à Jérôme, l’orthophoniste qui s’occupe de Mischka, il s’est profondément attaché à elle. Ses confidences sur son enfance l’ont bouleversé. Elle a la volonté de remercier les personnes qui ont compté pour elle et lui ont tant donné. Sans jamais rien attendre en retour. Des actions par pure bonté d’âme, pour refuser l’inacceptable. Des décisions qui peuvent sauver des vies. Et Mischka le pousse à mettre des mots sur ses maux d’enfance pour l’apaiser.
J’ai trouvé cette histoire tellement touchante. Une pure merveille. Ce livre est rempli de bienveillance et d’empathie. Delphine de Vigan sait trouver les mots juste pour rappeler l’importance de montrer et d’exprimer ses sentiments, dire ce que l’on a sur le cœur avec sincérité pour éviter que ces non-dits se transforment en cauchemars. Dire merci à ceux qui nous ont tant donné avant qu’il ne soit trop tard. On pense avoir toujours le temps…jusqu’au moment où c’est trop tard.
Cette histoire m’a touchée au plus profond de moi car elle évoque aussi le poids des mots, ceux qui blessent, restent gravés, sont inoubliables. L’importance des mots également, qu’ils soient dits oralement ou couchés sur le papier mais qui ont le pouvoir d’aider à accepter notre histoire, guérir de nos blessures enfouies, voir pardonner. Être en paix avec soi-même.
L’auteure rappelle des choses simples mais essentielles, à travers le parcours de Michka, Marie et Jérôme. Des qualités de cœur indispensables au respect de chacun : la générosité, l’écoute, la présence, le soutien, la bienveillance. Être attentif, savoir encourager et rassurer, faire place au silence lorsque celui-ci s’impose. Des qualités chères à mes yeux, si bien exprimées dans l’ensemble de ce livre.
Ce livre, court, nous replonge dans des souvenirs, la vie passée de nos grands-parents. La vie qui a été la leur, souvent dans la souffrance, la peur et le courage. La dignité n’a pas de prix. Partir le regard haut et le cœur léger, sans le poids des mots qui nous alourdit tellement. Sans la culpabilité de ne pas avoir trouver le courage de tout dire, tout avouer de nos errances.
Savoir dire MERCI tout simplement. Beaucoup d’émotions viennent nous parcourir au fil des pages. Pour ces multiples raisons qui ne tiennent qu’à moi, bien évidemment, je vous invite à plonger dans cet univers si enrichissant, si poignant de Delphine de Vigan.
Mes extraits :
• « L’ai-je assez remerciée ? Ai-je suffisamment montré ma reconnaissance ? Ai-je été assez proche, assez présente, assez constante ? »
• « Quand je les rencontre pour la première fois, c’est toujours la même image que je cherche, celle de l’Avant. Je les observe et je me dis : elle aussi, lui aussi a aimé, crié, joui, plongé, couru à en perdre haleine, monté des escaliers quatre à quatre, dansé toute la nuit, bu du vin, fait la grasse matinée, pris des trains »
• « Quand je m’imagine vieille, vraiment vieille, quand j’essaie de me projeter dans quarante ou cinquante ans, ce qui me parait le plus douloureux, le plus insoutenable, c’est l’idée que plus personne ne me touche. La disparition progressive ou brutale du contact physique »
• « Vieillir, c’est apprendre à perdre. Encaisser, chaque semaine ou presque, un nouveau déficit, une nouvelle altération, un nouveau dommage. Perdre la mémoire, perdre ses repères, perdre ses mots. Perdre l’équilibre, la vue, la notion du temps, le sommeil »
• « Perdre ce qui vous a été donné, ce que vous avez gagné, ce que vous avez mérité, ce pour quoi vous vous êtes battu, ce que vous pensiez tenir à jamais »
• « Parfois il faut assumer le vide laissé par la perte. Renoncer à faire diversion. Accepter qu’il n’y a plus rien à dire. Me tenir assis, près d’elle et lui prendre la main »
• « Mais les mots abîment, vous savez. Les insultes, les injures, le sarcasme, la critique, le reproche sont des empreintes. Ineffaçables. Et de regard qui juge, qui cherche le point faible. Et puis les menaces. Cela laisse des traces, vous savez. C’est difficile ensuite d’avoir confiance. De s’aimer soi-même »
• « On devrait être prévenus. Quand les gens vont mourir. Que ce soit leur choix ou pas. On croit toujours qu’on a le temps d édité les choses, et puis soudain c’est trop tard. On croit qu’il suffit de montrer, de gesticuler, mais ce n’est pas vrai, il faut dire. Ça compte les mots »
Ma note : 9/10