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Avec toutes mes sympathies – Olivia De Lamberterie

Avec toutes mes sympathies – Olivia De Lamberterie

Quatrième de couverture :

Les mots des autres m’ont nourrie, portée, infusé leur énergie et leurs émotions. Jusqu’à la mort de mon frère, le 14 octobre 2015 à Montréal, je ne voyais pas la nécessité d’écrire. Le suicide d’Alex m’a transpercée de chagrin, m’a mise aussi dans une colère folle. Parce qu’un suicide, c’est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de se souvenir des jours heureux. Moi, je ne voulais pas me taire. Alex était un être flamboyant, il a eu une existence belle, pleine, passionnante, aimante et aimée. Il s’est battu contre la mélancolie, elle a gagné. Raconter son courage, dire le bonheur que j’ai eu de l’avoir comme frère, m’a semblé vital. Je ne voulais ni faire mon deuil ni céder à la désolation. Je désirais inventer une manière joyeuse d’être triste.

Mon avis :

Ce témoignage m’a énormément touchée. Cela faisait un moment que je voulais le lire et j’ai vraiment aimée le style d’écriture d’Olivia De Lamberterie. Elle raconte le drame qui a frappé sa vie il y a quelques années et rend hommage à ce frère tant aimé d’une manière extrêmement douce et humble. Ce frère qui a choisi de mettre un terme à sa vie, laissant ses proches anéantis. Elle partage sa douleur de n’avoir pas réussi à protéger son frère contre lui-même et se raccroche à l’idée qu’il est mieux là où il est maintenant car il ne souffre plus, lui qui a lutté si ardemment contre ses démons.

Dans un premier temps, elle raconte leur enfance au sein de leur famille et leur épanouissement dans une école d’inspiration Montessori où ils ont pu évoluer dans une liberté d’esprit, entourés de maîtresses bienveillantes qui s’adressaient à l’intelligence particulière de chaque élève avec le souci d’être fier de soi-même et d’avoir bon cœur.

Alex se révèle une personne souvent fragile, avec le sentiment de ne rien avoir à donner ni à recevoir. On perçoit ce mal-être et sa douleur profonde, le combat mené contre ce mal qui le ronge et dont personne n’arrive à l’aider, ni le soulager. Sa femme, qu’il connaît depuis 20 ans, connaît ses défaillances et fait tout pour lui maintenir la tête hors de l’eau. On le sent épuisé de toujours lutter contre le mal de vivre qui le ronge, de faire semblant d’aller bien. Rien ne parviendra à le libérer de sa souffrance, ni sa femme qui veille sur lui d’un amour inconditionnel, ni sa fille qu’il aime par dessus tout, ni sa famille si présente. Un homme altruiste, a l’écoute des autres, qui s’interroge tellement sur le sens de la vie.

Le suicide, thème o combien douloureux car il entraîne une culpabilité d’avoir échoué à sauver l’autre. Un geste souvent incompris, qui entraîne un jugement dur, alors que la personne trouve en ce choix désespéré une sortie pour ne plus souffrir.

A travers les adieux déchirants de toute une famille, d’une sobriété et une pudeur bouleversante, j’ai ressenti ce lien et cet amour que rien ni personne ne pourra jamais entaché. Chacun exprime son deuil à sa manière, dans le silence et le retranchement, dans le besoin d’écriture pour continuer à faire vivre l’absent, lui parler avec son cœur, dans l’attente d’un signe, pour ressentir sa présence, exprimer ses souvenirs.

Finalement, ce récit se révèle extrêmement positif avec une empreinte indélébile d’Alex. La vie doit continuer, sans lui, malgré tout.

A nous de continuer à faire vivre nos morts en nous. Ils nous portent grâce à nos souvenirs, ces moments d’amour partagés, cette tendresse éternelle. Nous devons continuer à leur parler pour continuer à les faire vivre, entretenir le lien avec ceux qu’on ne voit plus.

Mes extraits :

• « La lecture est l’endroit où je me sens à ma place. Lire répare les vivants et réveille les morts »

• « Aujourd’hui, je me nourris, un peu, de l’amour que tu avais pour moi, beaucoup de l’amour que j’ai pour toi »

• « Nous ne savions pas nous défendre. Est-ce pour cela que nous sommes si perfectionnistes, et si souvent mécontents de nous, comme si on voulait se mettre toujours à l’abri des jugements d’autrui ? »

• « Cette incapacité à exprimer des sentiments intimes complique pas mal les relations humaines »

• « L’amour immense qui l’entourait ne lui a pas servi de parachute. Ce ne sont jamais sur les idiots que le couperet de la grande dépression s’abat, en silence, un matin, pour entamer son long travail de sabotage »

• « Il n’était ni un homme désobéissant, ni un alcoolique, ni un drogué, juste un grand blessé. Extralucide, hypersensible. Mélancolique et désabusé »

• « J’écris pour chérir mon frère mort. J’écris pour imprimer sur une page blanche son sourire lumineux et son dernier cri »

• « Tous les proches de suicidés parlent d’une rémission avant le passage à l’acte. La certitude de ne plus souffrir donne des ailes »

• « Est-il enfin heureux ? Je le souhaite de toutes mes forces. Je voudrais qu’il soit en paix »

• « Nous allons nous nourrir de cette affection pendant des semaines, béquille plantée dans des sables mouvants »

• « Il est vain de vouloir mettre à distance la peine »

• « Il me reste les mots pour essayer parler de toi »

• « Les seules personnes avec qui il est possible d’échanger autre chose que des banalités sont ceux à qui c’est arrivé. La petite famille de ceux qui restent. Le monde se divise entre ceux qui savent et les autres »

• « J’essaie de transformer mon frère en ami imaginaire. Je lui parle, lui demande son avis. Il me sert de boussole…..M’efforcer d’être gaie malgré tout me semble être une ligne de conduite digne de lui. C’est éreintant mais nécessaire »

• « Tu t’es arrangé pour laisser une empreinte si forte dans nos existences qu’elle nous a empêchés de sombrer et qu’elle a fini par nous transcender »

Ma note : 9,5/10

Avez-vous lu ce livre ? Si oui, qu’en avez-vous pensé ? N’hésitez pas à me laisser vos commentaires et avis

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